Maurice Nadeau, un siècle en littérature
Esprit indépendant, éditeur de génie, lecteur
avide et écrivain, Maurice Nadeau, décédé dimanche à l'âge de 102 ans, n'a
jamais désarmé et sa vie se confond avec les livres, lui qui a révélé tant
d'auteurs cultes, de Georges Perec à Malcom Lowry, de Henry Miller à Michel
Houellebecq.
Esprit indépendant, éditeur de génie, lecteur
avide et écrivain, Maurice Nadeau, décédé dimanche à l'âge de 102 ans, n'a
jamais désarmé et sa vie se confond avec les livres, lui qui a révélé tant
d'auteurs cultes, de Georges Perec à Malcom Lowry, de Henry Miller à Michel
Houellebecq.
afp.com/Pierre Verdy
L'éditeur et écrivain Maurice Nadeau, qui avait créé la revue La Quinzaine littéraire en
1966 est décédé dimanche
chez lui à l'âge de 102 ans.
"Pendant toute ma vie, j'ai toujours eu
la bonne place pour découvrir des écrivains. J'étais à l'affût, j'écoutais, je
lisais beaucoup, des manuscrits, les revues, la presse étrangère",
expliquait en 2011, pour son centième anniversaire, ce grand Monsieur des
lettres au flair admirable.
Né le 21 mai 1911, orphelin de guerre élevé
par une mère illettrée, il était normalien et avait commencé sa carrière comme
enseignant de lettres modernes puis journaliste et critique littéraire. Maurice
Nadeau avait la carte de presse 5262, obtenue en juillet 1945 quand il était
chroniqueur à Combat, avant de signer à l'Observateur, à L'Express...
Il avait connu Aragon, Breton, Prévert, écrit une "Histoire du
Surréalisme".
Jusqu'au bout, cet éditeur et écrivain à
l'allure de patriarche a veillé sur La Quinzaine littéraire, sa
tour de guet, que l'ex-militant trotskyste avait fondé en 1966 après avoir créé
la revue Les Lettres nouvelles. En mai 2013, il lançait encore un
appel pour sauver le bimensuel, confronté de nouveau à de graves difficultés
financières.
Indépendance et flair
Face aux grandes maisons, la sienne incarne
les vertus de l'artisanat et de l'indépendance sans
concession. Avec moins de dix livres par an, elle a eu rarement les honneurs
des prix littéraires. Angelo Rinaldi disait de lui: "il est l'éditeur de l'impossible". Les
coups de marketing, les visées commerciales, ce n'était pas pour lui.
Il avouait être "très fier" de
certains écrivains qu'il avait publiés et parfois défendus contre la censure,
comme Henry Miller, qui lui avait donné toute son oeuvre. Il avait aussi écrit le premier
article sur Samuel Beckett, ce dont l'écrivain irlandais lui a toujours été reconnaissant, a fait
connaître Georges Bataille, René Char, Henry Michaux, Claude Simon, Witold Gombrowicz et tant d'autres.
"Après leur premier succès, ils me
quittaient"
"Mais Malcom Lowry est ma plus grande découverte. Son roman,Au dessous du volcan,
c'est l'une des plus poignantes histoires d'amour que j'ai jamais lue",
confiait-il. "Georges Perec, aussi, je suis très fier de l'avoir découvert. Il avait été refusé
partout. La plupart de ceux que je publiais l'avaient été. Après leur premier
succès, ils me quittaient".
Ainsi, dès queMichel Houellebecqest sorti de la confidentialité après la publication par Nadeau d'Extension
du domaine de la lutte, en 1994, il a rejoint de plus grosses écuries.
"Je me définis comme un passeur. Jeune, je voulais changer le monde,
j'étais un utopiste. Aujourd'hui, je me révolte encore mais je ne risque
rien", disait Maurice Nadeau, au soir de sa vie, assurant ne pas être
angoissé par l'âge ni la mort, lui qui, à 95 ans, avait dû convaincre un
chirurgien "d'oser l'opérer" d'un anévrisme de l'aorte.
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